L’homme au couteau
J’étais nu en sortant de ma mère,
nu et la bave aux lèvres, rageur, rageant,
rageant la bave aux lèvres de ne pouvoir déjà mordre
dans la vie, dans la chair de ma mère
dont j’étais nu en sortant.
Le premier mot m’a défiguré l’âme,
comme un morpion, une tique,
l’obligation de dire sa pensée,
la dissonance ;
défiguré l’âme, ce premier mot, bavant,
rageur
alors que je me croyais nu.
J’ai pris le couteau pour tuer la parole,
le verbe dont rien ne saurait naître,
qui ne saurait rien dire en somme,
le verbe moqueur, riant de mes images et
de mon incommunicable râle, rageur,
rageant la bave aux lèvres.
J’ai pris le couteau, disséquant la
membrane épaisse qui couvrait mes yeux,
épelant les nouveaux mondes pour y renaître,
nu, rageur,
disséquant la membrane épaisse qui couvrait mon cœur,
mon pauvre organe,
la membrane épaisse qui s’apprêtait à recouvrir le fond de ma forme,
écumant, chien fou, rageur,
la bave aux lèvres rageant.
m. pour L’Orchestre Poétique d’Avant-guerre - O.P.A
Extrait du recueil « Cru » en libre téléchargement ici :
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Illustration :Tanxxx
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